Vivre en famille à Bruxelles sans voiture…un pari fou ?

Le salon de l’auto fermera ses portes ce weekend après 15 jours de franc succès.  A l’échelle de notre petite famille, nous avons opté depuis plus de 10 ans déjà pour une mobilité plurielle, partagée et raisonnée. Un choix économique au départ qui s’est imposé au fil des années comme une alternative écologique évidente. Je vous propose de revenir dans cet article sur plus de 10 années d’expérience en la matière, en espérant vous convaincre qu’il est tout à fait possible d’être une famille nombreuse sans posséder sa propre voiture. 
 
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Comment avons-nous renoncé à notre voiture ? 
 
Dès que j’ai été en âge d’avoir mon permis, mes parents ont mis un point d’honneur à ce que je sois rapidement en possession du précieux sésame…parce que c’était pour eux la garantie d’une certaine indépendance, comme un rite de passage incontournable vers l’âge adulte. Rapidement, mes premières économies, fruits de mes multiples jobs étudiants,  ont servi à acheter une petite Opel Corsa. Avec le recul, je pense pouvoir dire que je m’étais presque attachée à elle. J’y repense même avec une certaine nostalgie, tant elle fut de toutes les fêtes et de toutes les virées entre copains (avec Britney Spears en fonds sonore – le parking de l’ULB s’en souvient encore! ). Quand j’ai rencontré Laurent, lui aussi avait tissé des liens presque charnels avec son Van blanc (New Style de son petit nom) qui lui servait à développer ses activités de brocanteur amateur. Ensemble, nous avons ensuite acheté une petite Polo avec toit ouvrant panoramique (le must!) et rêvé à la familiale toutes options que nous aurions quelques années plus tard, une fois la famille agrandie. Nous étions alors les rois du pétrole!
 
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Jusqu’au jour où nous avons décidé de nous marier. A l’euphorie des premiers jours a succédé la phase de planification et de budgetisation. Avec comme constat que nous devions faire des économies si nous voulions organiser la fête que nous imaginions. Après une analyse minutieuse de notre budget mensuel, nous en sommes arrivés à la conclusion que nous pouvions économiser près de 500€ par mois en vendant notre voiture. Le calcul était simple : 100€ d’assurances, 100€ de carburant, 100€ de frais divers (entretien et réparation) et 200€ de remboursement mensuel pour notre Polo d’occasion. 
 
Lancé à Bruxelles en 2003, le système de partage de voitures Cambio nous semblait alors la meilleure alternative pour pouvoir continuer à profiter occasionnellement d’une voiture tout en maîtrisant les coûts liés à son utilisation. Parallèlement, nous avons investi dans des vélos. Laurent en a très vite fait son mode de transport principal tandis que moi je suis devenue une experte des transports en commun. Progressivement, au fil des années, nous avons intégré de nouvelles façons de nous déplacer : la marche à pied, le train, la trotinette. Aujourd’hui, la question financière n’est plus d’actualité. Nous pourrions sans trop de difficulté nous acheter la familiale toute options dont nous avions rêvé. Mais face aux difficultés liées au trafic des voitures dans Bruxelles et aux enjeux climatiques actuels, nous sommes convaincus qu’une mobilité plurielle constitue la meilleure réponse à nos besoins en termes de déplacement.
 
 
Cambio, notre voiture partagée
 
Lorsque nous avons renoncé à notre voiture en 2006, les solutions de véhicules partagés faisaient tout juste leur entrée sur le territoire belge. Lancé en 2002 à Namur puis à Bruxelles en 2003 et en Flandre en 2004, Cambio était alors une toute jeune structure qui rassemblait à peine plus de 2000 membres. Aujourd’hui, la société compte plus de 17.000 clients sur toute la Belgique et près de 500 stations. Une belle Success Story pour une initiative que beaucoup à l’époque qualifiait d’utopique. Je me souviens encore des mines désolées de notre entourage pour qui renoncer à sa voiture relevait d’une démarche certes courageuse mais surtout éminemment inconsciente. Et leurs regards navrés à chaque fois que nous rentrions à pied ou en bus d’un repas de famille en disait long sur leur inquiétude profonde à notre égard. Signe que les temps ont changé (on s’en réjouit), aujourd’hui ces mêmes personnes ont elles-aussi fait évoluer leur mobilité. De plus en plus d’entreprises (Dexia, Siemens, communes, ONG, etc.) s’y mettent également. Cela leur permet de mettre des véhicules à disposition de leurs employés pour des missions professionnelles sans devoir investir dans un parc de voitures coûteux tout en réduisant leur impact environnemental.
 
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D’autres solutions de partage de voitures ont vu le jour ces dernières années, chacune proposant une alternative différente. Le système Drive Now par exemple (que nous avons testé récemment) a notamment pour avantage de ne pas contraindre l’utilisateur à devoir ramener la voiture à sa station d’origine. Pratique pour aller manger chez des copains qui habitent à l’autre bout de Bruxelles et revenir en taxi sans devoir surveiller sa consommation d’alcool. Les types de voitures proposés sont par contre plus restreints et pas forcément toujours adaptés à une famille nombreuse. 
 
Les autres moyens pour se déplacer
 
A côté des voitures partagées, d’autres moyens de transport se sont progressivement invités dans notre mode de vie familial.  Si Laurent s’est rapidement tourné vers une mobilité plurielle, dans mon cas les transports en commun sont restés pendant longtemps mon unique alternative à la voiture.
 
Le premier gros changement s’est fait au lendemain des attentats du 22 mars 2016. Contrainte de trouver une alternative en attendant la remise en service de ma ligne de métro, j’ai d’abord opté pour la marche à pied. Chaussées de mes baskets préférées (les talons dans le sac à dos), j’ai commencé à arpenter les rues de Bruxelles pour aller travailler de bon matin. Avec comme premier constat le fait que cette ballade matinale ne me prenait que 10 minutes supplémentaires par rapport à mon trajet habituel en transport en commun (30 minutes entre le Square Ambiorix et la gare du midi). Ajoutez à cela le sentiment d’entamer sa journée avec une énergie décuplée, le bonheur de découvrir ma ville autrement et le sentiment d’échapper à une angoisse bien présente après les attentas dans les transports bruxellois, et vous comprendrez aisément pourquoi ce mode de transport est devenu une évidence pour moi, même après que ma ligne de métro ait été remise en service. 
 
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Le vélo a suivi de peu la marche à pied. Il m’aura fallu plus de 10 ans pour que celui-ci ne soit plus seulement un compagnon de voyage pour cycliste du dimanche et qu’il s’invite dans ma mobilité au quotidien. Une mauvaise chute sur des rails de tram, 2 côtes fêlées et une appréhension réelle de ma maîtrise de l’engin, avait définitivement relégué au placard toutes mes bonnes intentions d’enfourcher ma bicyclette. Comme je ne suis pas du genre à renoncer facilement, l’idée a néanmoins continué à germer lentement mais sûrement. Le premier déclic est venu suite à une journée sans voiture, lorsque j’ai réalisé que la quasi totalité de mon trajet matinal bénéficiait de pistes cyclables sécurisées.  La seconde prise de conscience fut consécutive à un weekend improvisé sur les chemins de hallage du Namurois en lieu et place d’une escapade en amoureux à Lisbonne, annulée à cause d’un problème de carte d’identité (vous me croirez ou non mais ce fut l’un des plus beaux weekends de ma vie).  Seul l’hiver (entre fin novembre et début mars) a encore raison aujourd’hui de ma motivation de cycliste reconvertie. Mais plus pour très longtemps (l’idée mûrit gentiment). 
 
Marche à pied, voiture, taxi (pour les retours de soirées), vélo ou trotinette (pour les petits trajets à la boulangerie ou pour rejoindre plus rapidement la station de métro), partagés ou individuels, électriques ou à la force des cuisses, la mobilité intermodale est devenue notre meilleur allié au quotidien. 
 
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Une mobilité intermodale avec une famille nombreuse, est-ce vraiment possible ? 
 
Oui mais à certaines conditions! Il faut d’abord trouver la motivation. Car changer les habitudes de la cellule familiale n’est pas chose simple, surtout lorsque celle-ci se compose de plusieurs individus qui ont chacun leurs craintes et leurs idées reçues sur le sujet. En ce qui nous concerne, les enfants n’ont jamais connu autre chose que les voitures partagées. Ce fut donc relativement facile. Aujourd’hui, ils ont tellement bien intégré le concept qu’ils parlent de Cambio comme de leur propre voiture. 
 
L’élément central qui a toujours conditionné notre mobilité, c’est bien entendu le choix de notre lieu de vie. L’équation ne serait en effet pas forcément la même pour une famille qui habite en dehors d’une zone urbanisée. Et dans une capitale comme Bruxelles, l’histoire est à fortiori encore différente que pour des villes plus petites comme Namur ou Charleroi. Quand nous avons acheté notre maison, nous avons d’abord tracé un cercle sur une carte à l’intérieur duquel s’inscrivaient l’ensemble de nos activités quotidiennes, l’objectif étant de ne pas en sortir pour nos recherches immobilières. L’idée étant de réduire au maximum le temps passé quotidiennement dans les trajets mais également de pouvoir rester totalement maîtres de ceux-ci. Au pire des cas, par temps de neige ou de grève générale, toute nos activités (ou presque) sont à distance raisonnable à pied. Ce que nous gagnons sur le budget voiture, nous le réinvestissons en grande partie dans le remboursement de notre prêt, forcément plus élevé que si nous nous étions éloignés du centre ville. 
 
 
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Autre élément important : nous favorisons en grande partie un mode de vie local. Cela vaut autant pour les courses que pour les stages, le choix de l’école (en face de la maison), la crèche (3 minutes à pied), les médecins ou autres activités de loisirs. La conséquence positive de cette démarche est que nous avons développé un véritable réseau social dans notre quartier. Avec le sentiment d’appartenir à une communauté (voisins, commerçants, parents de l’école, etc.) sur qui nous pouvons nous reposer en cas de pépin. Avec aussi le plaisir de se croiser à l’improviste au marché et à la plaine de jeux ou d’improviser un apéro au parc quand le soleil est de la partie. Il y a évidemment des exceptions à cela. La principale d’entre elles étant l’entraînement de Floorball de Thomas le mardi soir en pleine heure de pointe à l’autre bout de Bruxelles qui nous contraint à prendre une voiture et à perdre un peu de temps dans la circulation. Mais là encore, tout est une question d’équilibre. 
 
Troisième point essentiel : s’équiper! Faire du vélo par tous les temps, ramener plusieurs kilos de courses à bicyclette, arpenter les rues de Bruxelles à pied ou transporter bébé sans voiture, cela demande un peu d’équipement. En vrac : une bonne veste pour la pluie, des phares de vélo suffisamment puissants, un bon casque, des gands, un gilet jaune (ou orange selon), une fonte imperméable, un caddy adaptable sur le porte bagage, une bonne paire de baskets, un porte bébé ergonomique (une écharpe ça marche aussi), une poussette tout-terrain (entendez par là qui est suffisamment étroite que pour pouvoir évoluer sur les trottoirs, dans les transports en commun et les petits magasins bruxellois), un sac à dos à la fois contenant et élégant (ça existe!), etc. Si cet équipement a un coût, la majorité des choses que nous avons énumérées peut se trouver facilement en seconde main. 
 
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Dernier facteur non négligeable : l’anticipation. Je vous mentirais en effet si je vous disais que ne pas avoir de voiture ne demande aucune forme d’organisation : pour réserver la Cambio, organiser les activités avec les copains d’école, regrouper les courses dans une zone géographique limitée, etc. Ceci-dit depuis que j’ai des enfants, peu importe le domaine concerné, il faut bien reconnaître que l’improvisation n’est de toute façon plus vraiment de mise : la faute aux siestes, aux horaires de repas, aux devoirs, aux activités extrascolaires, aux horaires d’école, etc. La liste est longue. Excepté quand ils tombent malades. Mais là encore la pédiatre a été choisie à distance raisonnable à pied et les urgences ne sont jamais loin. 
 
Quelques chiffres sur l’impact réel de la voiture sur l’environnement et sur notre santé : 
  • 4,9 millions de véhicules privés circulent sur les routes en Belgique 
  • Plus de la moitié des déplacements en voiture sont inférieurs à 5kms
  • 70% de l’espace public est pour l’instant réservé à la voiture (circulation et parking)
  • 94% de la consommation d’énergie pour les transports est à imputer au trafic routier, contre 6% aux trains, trams et métros et 0.1% au trafic fluvial
  • Chaque année, 12.000 belges décèdent prématurément des suites de la mauvaise qualité de l’air. 
 
Quelques adresses utiles pour une mobilité alternative : 
  • Pro vélo : Asbl qui développe des solutions personnalisées pour faciliter et renforcer la transition vers le vélo. Leur site regorge de conseils utiles pour se mettre au vélo en fonction de votre profil. www.provelo.org 
  • Le GRACQ : Groupe de Recherche et d’Action des Cyclistes Quotidiens, il représente les usagers cyclistes en Belgique francophone et défend leurs intérêts : www.gracq.org
  • Cambio : http://www.cambio.be 
  • Drive Now : www.drive-now.com 

Florence.

4 réflexions au sujet de “Vivre en famille à Bruxelles sans voiture…un pari fou ?”

  1. Bien joué ! Petite déception dans ce domaine : la disparition récente de Zip car que nous avons adopté l’été dernier et qui -elle aussi- offrait une belle complémentarité avec Cambio et Drive Now! La raison invoquée de cette cessation d’activés : la concurrence trop forte … des voitures de sociétés. Comment ce non sens est-il encore possible… Il y a un encore du chemin à faire 😉

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  2. Chouette article motivant. Notre voiture sert principalement pour les vacances et les visites dans la famille française. Son achat avait a l’époque été justifié par le prix exorbitant des billets de train (thalys+ter)… Comment faites vous quand vous partez en vacances ? La location de voitures est assez chère, avez vous trouvé une alternative avec un bon rapport qualité prix ? Merci en tout cas pour votre démarche inspirante ! Belle journée marie

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  3. Merci Florence pour votre article ! Vous avez décrit très justement cette situation de vie que nous partageons, en vivant sans voiture avec 2 enfants. Vos cheminements sont similaires aux nôtres et lire votre témoignage est un plaisir. En espérant que cela pourra convaincre et motiver toute une série de personnes 😉

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  4. Bonjour Marie. Merci pour ton commentaire. Je compte consacrer un article spécifique aux vacances d’ici quelques semaines mais je peux déjà te répondre en partie. Nous privilégions le train lorsque cela est possible. Souvent, avec des enfants, le tarif est moins élevé que l’avion, en tout cas pour aller en France car la SNCF (pas Thalys) propose des billets « Famille » assez intéressants alors que la majorité des compagnies aériennes font payer le prix plein même aux enfants. Il nous est déjà arrivé aussi de partir en voiture mais alors on essaie d’en trouver une à prêter dans la famille. Ceci-dit, cette option est moins facile à envisager aujourd’hui qu’il y a quelques années car nos proches commencent aussi à se séparer de leur voiture! J’avais fait une comparaison très précise l’an dernier pour aller dans notre maison de famille dans le Gers et la location de voiture avec Auto Europe était à peine plus cher que l’avion. La question c’est de savoir aussi l’utilité de la voiture une fois sur place. Quand nous partons en Bretagne par exemple, nous faisons tous les trajets sur place à vélo car tout est à distance raisonnable et assez plat. Dans ce cas, le train est plus intéressant, compte-tenu que la voiture de location ne bougera plus de la semaine. Par contre, si une voiture est nécessaire sur place et qu’il faut ajouter sa location aux prix des billets de train ou des billets d’avion, ça commence à faire cher. Il est évident que nos choix de destinations de vacances sont aussi guidés par nos choix écologiques. Ce qui laisse heureusement encore beaucoup de possibilités!

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